Le jardin des vertus Jacqueline KELEN
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Ce qui nuit de nos jours à la vertu de prudence, c'est l'obsession de vitesse et d'immédiateté. En tout, il faut se presser, réagir sur-le-champ, ce qui empêche de mûrir une idée, de mener à bonne fin un projet.
L'attention manque cruellement parce que images et bruits sollicitent en permanence nos sens et notre cerveau. Il devient impossible de réfléchir, de raisonner, de prendre une décision claire.
Pour développer son intelligence, pour acquérir la finesse et la profondeur que la prudence octroi il est impératif d'étudier, de lire, de comprendre. Il n'est pas de connaissance qui ne s'obtienne par le labeur, par une patiente réflexion. Il faut rappeler cette évidence aujourd'hui où, par Internet, tout semble mis à la portée de tous et à tout instant. C'est la ruine de la pensée personnelle et la négation du moindre effort.
Une continuelle absorption d'images rend les contemporains à la fois incapables de penser et impropres à la contemplation. Ils se retrouvent ainsi bernés, mutilés à la fois sur le plan intellectuel et sur le plan spirituel.
L'autre ennemi du discernement est l'invasion de l'émotionnel au détriment de l'intelligence. La phrase citée de Descartes faisait référence à une « loi éternelle», autant dire une transcendance, qui permet à l'homme de distinguer entre le bien et le mal. Or, si on s'en tient au seul niveau psychique (mental, émotionnel, senti-mental), le discernement se montre très altéré et tout jugement devient approximatif voire erroné. Le psychisme, en effet, est trouble, mouvant, instable, jamais assuré. Seul celui qui est relié au plan supérieur de son être - celui de l'esprit, éclairé par l'Esprit divin ou par «la loi éternelle» de Descartes - se montre capable de discernement véritable, de juste appréciation, d'excellente décision. Ici la vertu de prudence fait place à la sagesse…