Au sujet du pseudo bonheur, ne nous perdons pas sur le marché des illusions.

Je vous partage un extrait de ma lecture du moment.

Jacqueline Kelen "le jardin des vertus" janvier 2019


Or, si désormais seuls l'individu existentiel et sa vie psychique sont pris en compte, la morale, qui est d'essence supérieure, se trouve obligée de battre en retraite et de se cacher.

On assiste depuis quelque temps à l'intrusion de la psychologie dans tous les domaines (l'école, l'entreprise, l'art, la religion...) et presque tous les contemporains lui font allégeance. Parce qu'elle est censée aider, accompagner, voire soulager des gens « en difficulté » ou « en souffrance». Au fond, psychologie, psychanalyse et autres thérapies ne s'adressent qu'au moi - le moi qui souffre, se plaint, veut être reconnu, aimé, rassuré, etc. Dans ces diverses cures le patient se sait écouté et non jugé. Cette absence de jugement est très gratifiante pour lui, mais risque de l'absoudre de tout, de lui faire oublier l'importance de la vie morale et sa responsabilité personnelle. Il est tellement plus facile, quitte à payer le prix fort, de se répandre sur ses complexes et ses malheurs, de chercher des excuses dans le passé, que de s'efforcer à devenir meilleur et déployer sa liberté.

La psychologie, avec tous ses dérivés et toutes ses dérives, a joué un rôle majeur (et catastrophique) dans le rejet ou l'oubli de la Morale. Il n'est plus question de la «dignité de l'homme» que chacun doit conquérir, comme le rappelait magnifiquement le jeune Pic de la Mirandole en 1486; aujourd'hui on ne parle que de «l'estime de soi». Faire le Bien cède la place à « se faire du bien» puisque le bien-être se moque éperdument de l'Être. Le «lâcher-prise» où l'on se détend sonne beaucoup plus agréablement que le dur détachement; la pseudo-méditation qui invite à « faire le vide en soi» parait rendre caduques la réflexion et même la pensée, elle qui, selon Pascal, «fait la grandeur de l'homme».

L'émotionnel tient lieu de vérité, l'inoffensive et pâle «bienveillance» remplace à moindres frais la rare et puissante bonté. La grotesque «confiance en soi» (assortie de l'« affirmation de soi») piétine rageusement la foi en une Transcendance; la « résilience» fait passer à la trappe la grâce divine et les mystérieuses opérations de l'Esprit. Et par-dessus tout, le dictatorial «s'aimer soi-même» pulvérise toute attention à autrui ainsi que l'amour dû à l'Éternel.

Devant cet état des lieux, Moise risque fort de briser à nouveau les vénérables Tables de pierre.


Posts les plus consultés de ce blog

Qui parle quand je me tais ?

Paroles de patients